News

Onfray Foudroie l’Élite : Le Cri de Colère Qui Explique la Montée des Extrêmes en Europe

Le spectacle était électrique, le ton cinglant, et la tension palpable. Face à une journaliste qui s’efforçait de maintenir le cap d’une interview traditionnelle, le philosophe Michel Onfray, invité sur le plateau de La Loupe Politique, a transformé l’exercice en une véritable “masterclass” de dénonciation. Loin de ses récents ouvrages, que sont Le fétiche et la marchandise ou Théorie de Jésus, l’intellectuel s’est imposé en stratège du verbe, refusant les “pièges” médiatiques pour pointer du doigt la source de tous les maux de l’Europe : le libéralisme. Ce n’est pas un entretien qu’il a livré, mais une charge frontale, un “cinéma” assumé, contre le système qu’il accuse de “fasciser” ses opposants et d’ignorer la souffrance du peuple. La question n’est plus de savoir qui est fasciste, mais pourquoi les gens votent pour ceux qu’on leur présente comme tels.

 

Le Choc Néerlandais : Quand le Vote Devient un Bras d’Honneur

 

L’étincelle de ce débat incandescent a été la victoire inattendue de l’extrême droite aux élections néerlandaises, menée par un candidat clairement anti-islam et anti-Europe. Dès la première minute, Onfray impose sa nuance, recadrant la journaliste : ce n’est pas l’Europe qui est combattue, mais l’Europe libérale. Pour lui, l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui est un pouvoir impérialiste qui fonctionne “sans contre-pouvoir”.

Le basculement, selon le philosophe, se situe en 1992, avec le renoncement à la souveraineté nationale au profit de Maastricht. Il martèle l’exemple du référendum de 2005, où les Français ont voté “non” à la Constitution européenne, pour se voir imposer les mêmes dispositions via le Traité de Lisbonne en 2008. Ce mépris démocratique est, à ses yeux, la clé de compréhension de la colère populaire. “Ne nous demandez pas notre avis si c’est pour le jeter à la poubelle,” lance-t-il avec virulence.

Dans cette logique, le vote pour l’extrême droite aux Pays-Bas n’est pas un signe d’adhésion idéologique, mais une manifestation de rage. C’est le cri de gens qui veulent “secouer tout, casser tout, détruire tout” en réaction à des décennies de promesses libérales non tenues et de décisions imposées. C’est l’imbécile qui “regarde le doigt alors qu’il s’agit de regarder la lune” – le doigt étant le candidat “dangereux fasciste,” et la lune, la misère sociale.

 

L’Illusion Démocratique et la Propagande

 

La critique d’Onfray ne s’arrête pas aux Pays-Bas, elle touche directement l’Élysée. Il s’attaque au mode d’élection d’Emmanuel Macron, qu’il voit comme le parangon de cette Europe libérale. Le Président perdrait toutes les élections, mais “il reste”. Remettant en cause la légitimité d’un scrutin présidentiel, il rappelle que Macron est élu avec 50 % d’abstention et, parmi ceux qui votent, la moitié votent “contre Marine Le Pen” et non “pour lui”.

Cette mécanique, qu’il qualifie de “propagande” et de “servitude volontaire”, permet aux élites de se maintenir au pouvoir en diabolisant l’alternative. La conversation s’enflamme quand Onfray dénonce la “fascisation” systématique de tous ceux qui s’opposent au statu quo. Il utilise l’exemple des félicitations diplomatiques : quand Marine Le Pen salue le vainqueur néerlandais, c’est du “zèle” politique ; quand Macron envoie un message au nouveau président argentin, c’est un “usage diplomatique”. Onfray voit dans ce double standard un “cinéma” méprisant, un moyen d’éviter le vrai débat.

C’est ici que l’échange devient le plus personnel. Face aux interruptions de la journaliste qui lui demande d’arrêter son “petit cinéma”, Onfray riposte, blessé, mais tenace : “Pourquoi cette méprisante ?!” Il se positionne comme le porte-voix des “sans-grade,” des oubliés que l’on traîne dans la boue sous l’étiquette d’extrême droite. Son ton, d’une agressivité presque animale selon la journaliste, est la preuve, selon lui, d’un combat incessant contre l’interdiction de s’exprimer dans le “service public”.

 

L’Urgence Sociale : Le Vrai Scandale

 

Le cœur de la “leçon” d’Onfray est un appel à ramener la discussion à la dure réalité des faits. Il accuse l’Europe libérale de fabriquer la “paupérisation”. La théorie du ruissellement est une “idée libérale” qui “ne marche pas”. Ce que produit le système, c’est l’accroissement vertigineux de la pauvreté : « Des gens réduisent leur repas aujourd’hui parce qu’ils sont pauvres. Des gens aujourd’hui n’ont pas l’argent pour acheter les cadeaux de Noël de leurs enfants… Des gens qui travaillent aujourd’hui dorment dans leur voiture ».

Ce scandale social est la seule raison qui explique l’attrait pour les hommes politiques radicaux. Vouloir le “pire” est la conséquence d’une situation où l’on répond à la misère en demandant “plus d’Europe, encore plus de libéralisme”. Il inverse la rhétorique habituelle : si on ne veut pas du “pire,” il faut « faites de telle sorte qu’on ait le souci des pauvres, des miséreux, des gens qui sont des oubliés, les sans-grade, le petit peuple ».

Dans cette perspective, même la question de Marine Le Pen doit être dépouillée de l’héritage de son père, Jean-Marie Le Pen. Onfray, qui a lu les 1000 pages des mémoires de l’ancien leader qu’il qualifie d’« antisémite » et de « fasciste », insiste : il ne fait pas « payer aux enfants les fautes des parents ». Marine Le Pen a « changé de nom, ça a changé de personnage, c’est plus exactement le même projet ». Le “piège” médiatique, comme celui tendu à Jordan Bardella sur l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen, sert uniquement à détourner l’attention du vrai drame : la détresse du peuple.

L’Effondrement de l’Autorité et le Retour à la Jungle

 

L’interview dévie ensuite vers le drame de Crépol, un événement qui, selon Onfray, témoigne de la “faillite générale de notre société”. Il adhère à l’idée d’un effondrement de l’autorité depuis mai 68, un retour à la “loi de la jungle” où l’on fait « ce qu’on veut, quand on veut, comme on veut ».

Son analyse est brutale : l’inefficacité de l’État se manifeste dans l’incapacité de faire respecter une interdiction de porter un couteau. Mais il ne s’agit pas d’un simple manque de moyens. La police est paralysée, selon lui, par les contraintes idéologiques et le spectre de l’accusation de “contrôle au faciès” brandi par “La France insoumise et leurs copains.” L’État n’a de force que contre les Français “moyens” ou les “gilets jaunes”, mais recule face à la violence dans d’autres zones.

Ce glissement le mène à la question de l’immigration et du Maghreb. Onfray refuse de faire de l’Islam un problème général, citant l’exemple des Indonésiens musulmans qui ne posent aucun souci. C’est le « Maghreb islamique » qui pose un problème spécifique, en raison d’une histoire complexe et d’une “componction permanente” de la France qui s’accuse de tous les torts. Il pointe du doigt le manque d’intégration et les conséquences socio-économiques. Quand on refuse d’intégrer la langue et les codes d’une société, quand on est pauvre et sans pouvoir d’achat, on est acculé à la délinquance : « vous ne pouvez pas vivre si vous n’arrachez pas de temps en temps un sac à une vieille dame ».

En conclusion, la leçon de direct de Michel Onfray n’est pas celle d’un philosophe éthéré, mais celle d’un homme qui se veut ancré dans l’urgence sociale. Le message est d’une clarté violente : le “pire” ne vient pas de nulle part. Il est le produit inéluctable d’un système libéral qui a trahi ses principes démocratiques, méprisé son peuple, et plongé les “sans-grade” dans une misère profonde, tout en brandissant l’épouvantail du fascisme pour discréditer toute opposition. L’explosion de colère qu’il a manifestée est, en réalité, l’écho de la colère des millions d’oubliés qui, au lieu de lire Le fétiche et la marchandise, se demandent simplement comment acheter le prochain repas de leurs enfants. Une analyse qui, si elle a “fait taire” la journaliste, résonne comme un avertissement pour l’ensemble des élites européennes.

Related Articles

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button