Jancovici se paie Jadot comme un prince : GNL, Total et la “Taquinerie” sur le gaz de transition
La Stratégie des Entreprises et l’Accord de Paris
Jean-Marc Jancovici commence par une mise au point sur la question de la compatibilité des stratégies d’entreprises avec les objectifs climatiques :
Baisser les émissions de CO2 de 5 % par an revient au premier ordre à contracter le système économique de n’importe quoi entre 4 et 5 % par an.
Il affirme qu’il n’y a pas une entreprise cotée sur cette planète qui a aujourd’hui un plan compatible avec cette orientation générale. De ce point de vue, Total n’est pas un cas isolé. L’entreprise est assimilée au diable car elle sort le pétrole, mais en réalité, le pétrole irrigue la totalité de l’économie mondiale. Aucune grande entreprise (Carrefour, Michelin, Danone, Apple, Nvidia) n’a de stratégie compatible avec 5 % de baisse annuelle des émissions de gaz à effet de serre.
Le Paradoxe du GNL et le “Lock-in” Fossile
Interrogé sur le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) et son rôle en tant qu’énergie de transition, Jean-Marc Jancovici se montre taquin :
“Je vais être un tout petit peu taquin : les premiers à avoir évoqué le gaz comme énergie de transition, si ma mémoire est bonne, c’était les gens, les antinucléaires qui disaient on va faire de l’éolien et du gaz et le gaz sera une énergie de transition.”
Il rappelle que le GNL est une conséquence indirecte de l’infidélité à la Russie (en raison de la guerre en Ukraine). L’Europe dépendait d’environ 40 % de ses approvisionnements du gaz russe. L’option pour remplacer ce volume, puisque le gaz reste important pour l’industrie et l’électricité de nos voisins, est de le trouver ailleurs, principalement sous forme de GNL, car le Maghreb est en déclin gazier.

Le GNL crée un effet de “lock-in” (verrouillage) fossile, car pour en obtenir, il faut signer des contrats de long terme, sur 15 à 25 ans. Il fallait se poser la question avant de dire aux Russes : “ton gaz, on n’en veut pas”.
Le GNL n’est Absolument pas Bas Carbone
Jancovici insiste sur le fait que le GNL n’est absolument pas bas carbone. Le GNL américain, en particulier, l’est d’autant moins, car il s’agit souvent de gaz de roche-mère (gaz de schiste), associé à des émissions fugitives (fuites de méthane) aux États-Unis, associées à l’extraction et au transport du gaz.
Selon certaines statistiques, les émissions fugitives et de process liées au gaz représenteraient 4 milliards de tonnes équivalent CO2 par an dans le monde, ce qui est absolument considérable. Le gaz, si on lui impute ces émissions, se met au-dessus du pétrole en termes d’empreinte par unité d’énergie.
Ces fuites se produisent :
À l’extraction, au transport et à la distribution.
À la liquéfaction, qui consomme beaucoup d’énergie pour abaisser très fortement la température.
Au moment de la regazéification.
Le Déclin du Pétrole et la Rentabilité de Total

Pour casser la rentabilité du secteur pétrolier et gazier, il faudrait y mettre des charges, ce que l’État français ne peut pas faire sur des opérations qui prennent place au Nigéria ou aux États-Unis.
Toutefois, une indication économiquement intéressante est la façon dont les opérateurs pétroliers rendent le cash à leurs actionnaires (rachat d’actions, dividendes monstrueux). En général, quand les entreprises font cela, c’est le signe qu’il n’y a plus de projets très rentables dans lesquels investir.
Jancovici souligne que cette tendance pourrait être liée au déclin de la production de pétrole :
“Quand on regarde la production de pétrole dans le monde, le pic à date est en novembre 2018. Donc, on a passé le maximum historique de la production de pétrole dans le monde.”
Si le monde est au début du déclin de la production de pétrole, il y aura de moins en moins de gisements à exploiter, donc de moins en moins de nouveaux investissements à faire. Le cash existant est alors rendu aux actionnaires, ce qui est une hypothèse de travail cohérente avec la situation actuelle du secteur.


