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La Double Vie d’Eddy Mitchell : De la Ruine par le Jeu à l’Empire Secret de 25 Millions d’Euros à Saint-Tropez

À 83 ans, Eddy Mitchell n’est plus seulement un chanteur. Il est un monument. Celui qui fut le visage rebelle du rock français, le “Schmoll” à la voix rocailleuse, est aujourd’hui un patriarche de la culture, riche, réfléchi, profitant en silence de l’empire qu’il a bâti à partir de rien. Derrière son esprit acéré et son flegme légendaire se cache une histoire tumultueuse de discipline, d’excès dévastateurs et de survie. Le luxe de Mitchell en 2025 ne se trouve pas dans les montres en or ou les jets privés, mais dans la paix d’un homme qui a appris, à la dure, que la fortune ne vaut rien si l’on ne sait pas la maîtriser.

L’histoire commence loin des millions, dans le Paris d’après-guerre. Claude Moine, son vrai nom, est né le 3 juillet 1942 dans le quartier populaire de Belleville. Fils d’un employé de compagnie de bus et d’une employée de banque, il grandit dans des rues étroites et des appartements modestes. Mais son imagination est déjà ailleurs. Elle vit dans les lumières des cinémas américains, où il découvre Gary Cooper et John Wayne, et dans le rythme naissant du rock and roll. Adolescent, il est obsédé par Elvis Presley et Chuck Berry. Il ne veut pas seulement chanter le rock américain, il veut le vivre.

À la fin des années 1950, il fonde Les Chaussettes Noires, le premier véritable groupe de rock français. Le succès est électrique, brut. En 1961, avec leur tube “Daniela”, le groupe vend plus de 2 millions de disques. C’est la gloire, et la première rencontre de Claude Moine avec l’argent. Mais le succès fissure le groupe. En 1963, Eddy Mitchell prend une décision risquée : se lancer en solo.

Ce pari audacieux va définir sa carrière. En solo, il trouve une liberté artistique et économique. Contrairement à beaucoup d’artistes de sa génération qui dilapident leurs gains, Mitchell apprend tôt. Il enregistre à Londres, Nashville et Memphis avec des légendes comme Jimmy Page. Des albums comme “Sur la route de Memphis” deviennent des classiques. Il n’est plus un simple “crooner”, il est le pont entre l’Amérique et la France. À chaque album, il ajoute une couche à sa fortune, grâce aux droits d’auteur et au contrôle de ses chansons. À 40 ans, le gamin de Belleville est devenu une marque. Mais la tempête se prépare.

Eddy Mitchell a toujours été d’une honnêteté brutale sur ses erreurs, des erreurs qui ont failli le détruire. Au sommet de sa gloire, sa vie devient un carrousel d’excès. Les tournées sont incessantes, parfois plus de cinquante concerts par an. Pour supporter cette cadence infernale, la drogue devient une béquille. “Je ne prenais pas de cocaïne pour le plaisir”, avouera-t-il, “je la prenais pour tenir le rythme.”

Mais son plus grand démon fut financier. En 1979, après dix-huit ans de mariage, il divorce de sa première épouse, Françoise Laye, mère de ses deux aînés, Eddie et Maryline. La séparation est brutale et financièrement dévastatrice. Le tribunal l’oblige à verser une pension alimentaire conséquente, un engagement qu’il honore encore aujourd’hui, plus de quarante ans plus tard. Ces paiements, estimés entre 8 000 et 12 000 euros par mois, représentent une fortune cumulée de plusieurs millions d’euros. Pour rembourser ses dettes de divorce, il s’engage dans une tournée exténuante de deux cents dates, chantant malgré la fatigue et la dépendance.

Épuisé au début des années 1980, ses finances vacillent et il développe une autre habitude dangereuse : le jeu. Les casinos parisiens deviennent sa seconde maison. “Quand tu quittes ta femme à 2h de l’après-midi pour revenir à 7h du matin juste pour parler de mains de poker, tu réalises qu’il est temps d’arrêter”, écrira-t-il. Il perd énormément d’argent, mais aussi sa paix intérieure.

La rédemption a un nom : Muriel Bailleul. Elle lui pose un ultimatum simple et salvateur : “C’est le jeu ou moi”. Ce fut le tournant. Mitchell choisit l’amour. Avec le soutien de Muriel, il prend une décision radicale : il écrit aux autorités françaises pour demander à être officiellement interdit de tous les casinos. Il est enfin libéré. Il arrête le jeu, surmonte ses dépendances et reconstruit sa vie. Ils se marient en 1980 et auront une fille, Pamela, dont le parrain ne sera autre que son ami de toujours, Johnny Hallyday. Mitchell le dit souvent : Muriel est la raison pour laquelle il est encore en vie.

Cette rédemption fut aussi financière. Guidé par Muriel, il apprend à gérer sa fortune avec prudence. L’homme autrefois prisonnier de ses impulsions devient un investisseur avisé.

Au début des années 1990, Eddy Mitchell n’est plus une star du rock, il est un homme d’affaires. Il possède ce que peu d’artistes ont : la clairvoyance. Il construit son empire en silence. Son plus grand atout est son catalogue : plus de 500 chansons enregistrées en soixante ans. Ces droits lui assurent un revenu constant et confortable, estimé entre 200 000 et 400 000 euros par an, le plaçant toujours parmi les auteurs-compositeurs les mieux rémunérés de France.

Mais la véritable richesse de Mitchell se trouve dans la pierre. Dès les années 1980, il commence à investir dans l’immobilier. Son premier achat est un appartement discret et élégant dans le 16e arrondissement de Paris. “Je n’ai jamais aimé frimer, le confort me suffit”, déclara-t-il.

Puis vient le choix qui marquera sa vie : une villa sur les hauteurs de Saint-Tropez. Il découvre le village à 17 ans et en tombe amoureux. “J’ai eu la chance de pouvoir acheter une jolie maison dans les bois”, confia-t-il. À l’époque, il lui manquait 5 000 francs pour boucler l’achat ; le vendeur, confiant, lui proposa un prêt sans intérêt sur dix ans. Aujourd’hui, cette même villa vaut plusieurs millions d’euros.

Ce n’est pas une simple maison, c’est son sanctuaire. Perchée au bout d’un chemin sinueux, elle surplombe le golfe de Saint-Tropez avec une vue panoramique. L’intérieur reflète son goût pour le confort plutôt que l’opulence. Mais le cœur de la propriété est sa salle de projection privée. Entouré d’affiches de films classiques et de vinyles de Jerry Lee Lewis, Mitchell y passe des heures à vivre sa passion pour le cinéma. C’est cette passion qui l’a conduit à animer “La Dernière Séance” de 1982 à 1998, une émission culte qui lui rapporte encore des revenus de rediffusion.

Cette maison est son refuge, mais elle a un prix. “Elle me coûte une fortune”, a-t-il avoué. “Je ne suis pas passionné de voitures, ce furent des maisons à la place. Celle de Saint-Tropez est chère, mais je ne le regrette pas.” L’entretien et la sécurité coûtent des milliers d’euros chaque mois. C’est le prix de la liberté. Après l’annulation de sa tournée d’été 2025 pour raisons de santé, il a décidé d’y rester plus longtemps, en convalescence, entouré de Muriel et de leur fille Pamela.

Aujourd’hui, la fortune d’Eddy Mitchell est estimée entre 20 et 25 millions d’euros. C’est moins que l’extravagance de Johnny Hallyday, mais plus que celle de beaucoup de ses contemporains. Cette richesse, il l’a bâtie grâce à une philosophie unique : “J’ai vécu comme un chanteur de rock, mais j’ai pensé comme un comptable”.

À 83 ans, “Schmoll” ne court plus. Il a survécu à tout : au succès, à la ruine, aux addictions. La famille est le centre de sa vie. Son fils Eddie Moine travaille dans l’édition musicale, préservant l’héritage familial. Son héritage, selon lui, n’est pas l’argent. “Mes enfants n’ont pas besoin que je les rende riches. Ce dont ils ont besoin, c’est de comprendre ce que le travail signifie.”

En février 2025, la France l’a honoré d’une Victoire de la Musique d’honneur pour ses 60 ans de carrière. Un adieu symbolique à l’homme qui a fourni la bande-son de tant de vies. Lorsqu’on lui demande quel est son plus grand luxe, Eddy Mitchell n’hésite pas : “Le temps. Le temps de me reposer, le temps de choisir ce que je veux faire. J’ai travaillé soixante ans pour pouvoir me l’offrir.” Dans un milieu bâti sur les illusions, le succès de Mitchell repose sur le réalisme. Il a prouvé que le succès ne se mesure pas à ce que l’on gagne, mais à la manière dont on le conserve.

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