News

Le piège raté : Comment Jordan Bardella a “atomisé” Gilles Verdez en une seule question sur TPMP

Les plateaux de “Touche pas à mon poste” sont souvent le théâtre de débats houleux, de rires et de coups de gueule. Mais parfois, ils deviennent l’arène d’un combat politique et rhétorique où chaque mot est une arme. Ce soir-là, les téléspectateurs ont assisté à un de ces moments rares : un piège médiatique tendu en direct, qui s’est retourné de manière spectaculaire contre son auteur, laissant un chroniqueur vedette déstabilisé et un invité politique en position de force absolue.

L’acte s’est joué en quelques minutes à peine. D’un côté du ring, Gilles Verdez, chroniqueur connu pour ses positions tranchées et son style inquisitorial, souvent prompt à défendre des causes progressistes. De l’autre, Jordan Bardella, figure montante de l’extrême droite, président du Rassemblement National, rompu aux joutes verbales et maître dans l’art de la communication politique moderne.

Gilles Verdez pensait avoir préparé “le piège ultime”. Une question simple en apparence, mais conçue pour être “redoutable”, pour coincer son adversaire dans un dilemme moral et médiatique. L’ambiance est tendue. Verdez prend la parole, le ton grave, et lance son offensive : “J’ai une question à vous poser. Si on marchait contre l’antisémitisme, qui est un fléau, un délit absolu, et contre l’islamophobie, qui est un fléau absolu… est-ce que vous marcheriez avec moi ?”

Le piège est évident. Si Bardella dit “oui”, il s’associe à un concept, “l’islamophobie”, que son camp politique récuse et combat, considérant qu’il est instrumentalisé pour faire taire toute critique de l’islam radical. S’il dit “non”, il passe pour quelqu’un qui refuse de combattre un “fléau absolu”, s’exposant à des accusations d’intolérance. C’est un classique “lose-lose” (perdant-perdant) médiatique. Verdez a tendu sa toile.

Mais ce soir-là, la proie désignée n’est pas tombée dans le panneau. Jordan Bardella, loin de se laisser déstabiliser, choisit une tactique radicale : il ne joue pas la défense, il joue l’attaque. Il ignore purement et simplement la question de Gilles Verdez. Il ne cherche pas à s’excuser, à nuancer, ou à expliquer. Il décide de changer de terrain de jeu, de reprendre le contrôle du narratif par une contre-offensive brutale.

Fixant Verdez, il lance, glacial : “Combien de morts de l’islamophobie en 10 ans ?”

Le silence qui suit est assourdissant. L’effet de surprise est total. Gilles Verdez, qui s’attendait à une justification embarrassée, se retrouve soudainement sur le banc des accusés. Il tente une première parade, une pirouette de chroniqueur : “Vous n’êtes pas prof et je suis pas votre élève !” Mais le mal est fait. La dynamique s’est inversée. Bardella, tel un prédateur, ne lâche pas sa prise.

“Non mais moi je pose une question, en fait, Monsieur Verdez”, insiste-t-il, imperturbable. “Il y a eu combien… combien de morts de l’islamophobie depuis 15 ans dans notre pays ?”

C’est là que le “bug” se produit. Le piège, si méticuleusement préparé, s’est retourné contre son concepteur. Gilles Verdez n’a aucune réponse. Le “système ne répond plus”. Il tente de balbutier, de reprendre la main : “Ah oui, mais moi je vous en ai posé une, vous me répondez pas, monsieur…”

“Mais non”, rétorque Bardella, “mais parce que j’ai pas forcément envie de répondre à…”

Verdez, visiblement décontenancé, finit par avouer son impuissance : “Mais j’aimerais qu’ils sont dépensés… ils sont dépensés…” L’échange devient confus, mais Bardella a gagné. Il a exposé ce qu’il voulait exposer : l’absence, selon lui, de symétrie entre les deux termes posés par Verdez.

Ayant gagné l’avantage, Bardella enfonce le clou et déroule son propre argumentaire, passant de la défensive à l’offensive totale. Il oppose sa propre rhétorique à celle du chroniqueur : “Combien de morts sous les balles et les lames du fondamentalisme islamiste depuis plus de 10 ans, depuis 2012 ? Combien de morts de l’islamophobie dans notre société ?”

La question de Verdez est désormais oubliée, “atomisée”. Bardella utilise le temps d’antenne qu’il a conquis pour marteler son message. Selon lui, le terme “islamophobie” n’est pas un concept neutre décrivant la haine des musulmans, mais une arme sémantique. “L’islamophobie”, lance-t-il, “ça sert à mettre des cibles et des fatwas sur la tête de ceux qui dénoncent aujourd’hui les territoires conquis par l’islamisme. Sur la tête de journalistes qui ont le courage…”

Il continue, impassible, alors que le malaise est palpable sur le plateau : “Non, ça permet de mettre des cibles sur la tête de ceux qui dénoncent aujourd’hui, de ceux qui comme Charlie Hebdo se sont permis de faire vivre cet esprit critique et cet esprit de liberté. L’islamophobie, les procès en islamophobie, ça sert à mettre des cibles sur les gens qui refusent de voir l’islamisme conquérir l’espace public et conquérir la société française.”

En moins de deux minutes, Jordan Bardella n’a pas seulement évité un piège ; il l’a utilisé comme un tremplin pour diffuser son propre discours, très offensif. Il a transformé une tentative d’accusation en une tribune pour sa vision du monde, dépeignant le terme “islamophobie” comme un outil de censure utilisé par les “islamistes” pour réduire au silence leurs critiques.

Cet échange est un cas d’école en communication de crise. Il démontre qu’face à une question piège, la meilleure défense n’est pas toujours la justification, mais parfois la contre-attaque. En refusant de répondre sur le terrain de son adversaire et en imposant sa propre question, Bardella a non seulement neutralisé la menace, mais il a également mis Gilles Verdez en difficulté, le forçant à un aveu d’impuissance (“j’ai pas forcément envie de répondre”).

Cette séquence a illustré l’abîme qui sépare deux visions de la société. D’une part, celle de Gilles Verdez, qui place sur un pied d’égalité moral l’antisémitisme et “l’islamophobie”, les qualifiant tous deux de “fléaux absolus”. D’autre part, celle de Jordan Bardella, qui opère une distinction radicale, voyant dans l’antisémitisme une haine raciale et dans l’islamophobie un concept inventé pour interdire la critique d’une idéologie, “l’islamisme”.

Au-delà du fond politique, c’est la forme qui a marqué les esprits. La vivacité de l’attaque, la précision de la contre-question et le calme apparent de Bardella face à un Verdez visiblement déstabilisé ont créé un “moment” de télévision. C’est la démonstration qu’à l’ère de l’information en continu et des réseaux sociaux, un débat ne se gagne pas toujours avec les meilleurs arguments, mais souvent avec la meilleure stratégie rhétorique.

La question de base de Gilles Verdez était peut-être “maline” dans son intention, mais la contre-question de Jordan Bardella a “tout détruit”. Ce soir-là, un chroniqueur a appris à ses dépens qu’un piège mal refermé peut rapidement se transformer en humiliation en direct.

Related Articles

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button