Mort de Robert Redford : Adieu à l’icône aux yeux clairs qui a réinventé Hollywood
Le monde du cinéma est en deuil. Hollywood vient de perdre l’une de ses figures les plus intemporelles, un artiste dont l’aura a traversé les décennies sans jamais perdre de son éclat, un homme qui a incarné à la fois l’élégance du rêve américain et la ferveur du militant engagé. Robert Redford s’est éteint ce mardi 16 septembre 2025 à l’âge de 89 ans, dans la sérénité de sa demeure de l’Utah, un lieu qui, plus que tout, était à l’image de son âme : sobre, majestueux et profondément enraciné.
L’annonce, confirmée par la presse américaine et l’Agence France-Presse, a provoqué une onde de choc immédiate. Au-delà des collines californiennes, c’est tout un monde qui marque un temps d’arrêt pour saluer un géant, un passeur entre l’âge d’or du cinéma classique et les générations audacieuses qui ont suivi. Robert Redford n’était pas seulement un acteur, il était une institution, un miroir dans lequel l’Amérique a pu contempler ses idéaux, ses contradictions, ses rêves et, parfois, ses désillusions.
L’Anti-Héros Éternel qui a Capturé le Charme Américain
Né à Santa Monica, Redford a forgé un caractère à la fois rebelle et profondément humain, grandissant entre l’autorité d’un père conservateur et la sensibilité d’une mère progressiste. Ses débuts modestes, d’abord sur les planches, puis sur le petit écran, ont rapidement mené à la reconnaissance. Dès 1965, son rôle dans Inside Daisy Clover lui vaut un Golden Globe, propulsant sa carrière sur l’orbite des stars.

Mais c’est aux côtés de son complice de cinéma Paul Newman, qu’il entre définitivement dans la légende. En incarnant le hors-la-loi romantique de Butch Cassidy et le Kid, il offre au western une nouvelle dimension. Ce sourire discret, ce regard clair teinté de malice et de mélancolie, ce mélange de force tranquille et de fragilité, a su toucher une corde sensible chez des millions de spectateurs.
Les années 70 le verront devenir le visage des anti-héros, celui qui incarnait les doutes et les bouleversements politiques de l’époque. Des films comme Les Hommes du Président, inspiré de l’affaire du Watergate, étaient bien plus qu’un divertissement; ils étaient un manifeste, une ode à la liberté de la presse et au courage citoyen. Que ce soit en escroc gentleman dans L’Arnaque, en trappeur solitaire dans Jeremiah Johnson, ou en amant passionné dans Out of Africa, Redford a toujours réussi à donner vie à des personnages complexes, jamais lisses, toujours profondément humains.
Le Virage Audacieux : Du Tapis Rouge à la Caméra
Avec une notoriété solidement établie, Redford a pris une décision audacieuse, celle de passer derrière la caméra. Son premier long-métrage en tant que réalisateur, Des gens comme les autres (1980), fut un chef-d’œuvre salué par la critique, sondant avec finesse les blessures invisibles de l’âme humaine. Ce rôle de cinéaste lui permettait d’explorer les thèmes qui le touchaient personnellement, de poser des questions sans toujours avoir de réponse, une quête qu’il mènera jusqu’au bout.
Il a ensuite choisi de se consacrer davantage à la mise en scène, réduisant progressivement ses apparitions à l’écran, jusqu’à annoncer sa retraite définitive. Lorsque le monde du cinéma a vu cette icône se retirer, il y a eu un sentiment de fin d’époque. Pourtant, même loin des plateaux, son ombre tutélaire planait. Il était devenu une sorte de sage, dont chaque intervention publique, bien que rare, était puissante et articulée, comme lorsqu’il a défendu les droits des artistes face aux géants du streaming, rappelant que le cinéma ne devait pas se réduire à de simples algorithmes.
Le Phare de Sundance : Un Guide pour l’Indépendance
Loin de l’agitation d’Hollywood, l’homme réservé et presque secret préférait les montagnes de l’Utah à la frénésie du tapis rouge. C’est dans ce décor qu’il a bâti son refuge, et surtout, qu’il a créé le Festival de Sundance. Devenu l’un des événements les plus influents du cinéma indépendant mondial, Sundance est le reflet de ses convictions les plus profondes : croire dans la force des histoires atypiques et audacieuses, en marge des grands studios.
En offrant une tribune à des réalisateurs émergents, Robert Redford a littéralement changé le paysage cinématographique international. Des figures comme Quentin Tarantino, Steven Soderbergh, ou encore Chloé Zhao doivent en partie leur reconnaissance à ce pari sur le talent. Il a été le mentor silencieux, le phare qui a guidé des centaines de jeunes cinéastes, leur offrant leur première chance et leur apprenant à allier exigence artistique et intégrité personnelle. Le monde du cinéma ne cesse de se demander si l’esprit de Sundance pourra survivre sans son fondateur pour le guider.
L’Homme d’Engagement et de Convictions Inébranlables

Robert Redford n’a jamais hésité à utiliser sa notoriété pour défendre les causes qui lui étaient chères. Son engagement n’était pas qu’artistique; il était politique et social. Très tôt, il a compris que sa voix était une arme au service du bien commun. Il fut un ardent défenseur de l’environnement, luttant contre les projets destructeurs comme le pipeline Keystone et soutenant des lois de protection qui font encore autorité aujourd’hui. Il a également été un défenseur actif des droits des communautés amérindiennes et LGBT+.
Cet engagement, parfois au prix de critiques, ne l’a jamais fait reculer. L’acteur, qui aimait les plaisirs simples comme le dessin, la lecture et le silence des grands espaces, était aussi un homme marqué par le drame personnel, notamment la perte de son fils Scott en bas âge. Une tragédie qui, selon ses propres confidences, a transformé sa vision du monde, alimentant peut-être la profondeur émotionnelle qu’il cherchait dans ses films. Les proches le décrivent comme un homme d’une grande simplicité, capable de discuter avec les techniciens de plateau comme avec les plus grandes stars.
L’Héritage Immortel : Quand le Cinéma Devient une Leçon de Vie
Depuis l’annonce de sa disparition, les hommages affluent de toutes parts. Hollywood, bien sûr, se prépare à une cérémonie à sa dévotion, évoquant même la possibilité de rebaptiser une avenue mythique à son nom. L’édition prochaine du Festival de Sundance sera entièrement dédiée à sa mémoire, offrant une rétrospective complète de son parcours de comédien, réalisateur et militant.
Sur les réseaux sociaux, l’émotion est collective. Des acteurs de toute génération – Brad Pitt, Leonardo DiCaprio, Meryl Streep – saluent non seulement l’artiste visionnaire, mais aussi l’homme généreux. Les jeunes cinéastes racontent comment une simple conversation ou l’opportunité offerte par Sundance a changé leur manière de voir l’art. Les plateformes de streaming diffusent ses œuvres dans le monde entier, permettant à des millions de spectateurs de redécouvrir un cinéma réfléchi et profondément humain.
Robert Redford a réussi à marier le succès populaire et l’exigence artistique, un équilibre rare. Sa mort résonne comme un rappel de ce que fut Hollywood dans ses plus belles années, lorsque les films avaient le pouvoir de changer les mentalités et de rassembler les foules. Son empreinte dépasse le simple écran ; il est devenu un symbole culturel, un guide pour ceux qui cherchent à allier créativité, éthique et humanité.
Aujourd’hui, alors que le rideau tombe sur la vie de l’icône, il laisse derrière lui un héritage plus grand que ses films : la preuve qu’un artiste peut changer le monde sans jamais trahir ses convictions. Son regard lumineux, chargé d’une sincérité rare, restera gravé dans la mémoire collective, rappelant que le cinéma, au-delà des blockbusters, est avant tout une aventure humaine, une histoire de regard et de curiosité pour l’autre. Robert Redford s’en va, mais son œuvre, riche de passion, de liberté et d’engagement, continuera d’inspirer les générations à venir.


